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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

nous sommes séparés à jamais. De votre propre gré, vous me libérez de mon esclavage volontaire. Librement je vais en prison. Voici le dernier mot que vous aurez de moi, soit d’amour, soit de colère. Je sors de votre vie. Respirez librement ; vous êtes débarrassée de l’époux qui vous permit de l’abandonner, du prince qui vous livra ses pouvoirs, du mari amoureux qui mettait son orgueil à vous défendre en votre absence. Comment l’en avez-vous récompensé ? Cela, votre cœur vous le criera plus haut que mes paroles : un jour viendra où vos vains rêves se dissiperont comme autant de nuages, où vous vous sentirez seule. Alors votre souvenir se reportera vers

» Othon. »

Elle lut avec horreur : ce jour dont il parlait, ce jour était déjà venu ! Elle se trouvait seule. Elle avait été déloyale, cruelle. Le remords commença à s’étendre sur Séraphine. Puis une voix plus perçante encore se fit entendre, et sa vanité bondit sur la scène. Dupée !… Impuissante !.. Elle ! S’être trahie elle-même en cherchant à trahir son mari, avoir vécu de flatterie toutes ces années, avoir niaisement avalé la pilule, comme un Jocrisse parmi des aigrefins… elle, Séraphine ! Son esprit si vif en saisit toutes les conséquences : elle pressentit sa chute prochaine, sa disgrâce publique, entrevit l’odieuse folie, la honte de son histoire ébruitée par toute l’Europe. Elle se rappela la médisance, qu’elle avait si royalement bravée, et ne se sentit plus, hélas ! le courage de l’affronter. Passer pour la maîtresse de cet homme ! Peut-être à cause de cela !…