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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

force lui manqua ; et il retomba, mort selon toute apparence.

Courant par la chambre, Séraphine se tordait les mains, et se lamentait tout haut. Elle n’avait plus conscience que d’un tumulte de terreur universel. Il ne lui restait plus qu’une idée : un désir fou de se réveiller de ce cauchemar.

On frappa à la porte ; elle s’élança et la retint fermée, haletant comme une bête fauve, les bras animés de toutes les forces de la folie, jusqu’à ce qu’elle eût poussé le verrou. Après ce succès, un certain calme se rétablit dans sa raison. Elle retourna contempler sa victime. Les coups à la porte devenaient plus bruyants… Oui, oh ! oui, il était mort ! Elle l’avait tué ! Avec son dernier soupir il avait appelé la Rosen. Ah ! qui appellerait jamais ainsi Séraphine ?… Elle l’avait tué. Elle dont la main irrésolue avait à peine réussi à faire jaillir une goutte de sang de son propre sein, elle avait trouvé assez de force pour jeter ce colosse à terre, d’un seul coup !

Et toujours, à la porte, les coups devenaient plus tumultueux, contrastant davantage avec le décorum d’un palais tel que celui de Mittwalden. Une esclandre se préparait, dont elle n’osait envisager les conséquences. Mais, en même temps, parmi les voix qui commençaient déjà à l’appeler par son nom, elle crut reconnaître celle du chancelier. Lui ou un autre, il faudrait bien que quelqu’un entrât le premier.

— Est-ce que M. de. Greisengesang est là ? demanda-t-elle à travers la porte.

— Oui, Altesse, répondit le vieux gentilhomme.