Si quelqu’un est au courant, songeait-il, ce doit être Lanyon.
Le majestueux maître d’hôtel le reconnut et le fit entrer : sans subir aucun délai d’attente, il fut introduit directement dans la salle à manger où le Dr Lanyon, qui dînait seul, en était aux liqueurs. C’était un gentleman cordial, plein de santé, actif, rubicond, avec une mèche de cheveux prématurément blanchie et des allures exubérantes et décidées. À la vue de M. Utterson, il se leva d’un bond et s’avança au-devant de lui, les deux mains tendues. Cette affabilité, qui était dans les habitudes du personnage, avait l’air un peu théâtrale ; mais elle procédait de sentiments réels. Car tous deux étaient de vieux amis, d’anciens camarades de classe et d’université, pleins l’un et l’autre de la meilleure opinion réciproque, et, ce qui ne s’ensuit pas toujours, ils se plaisaient tout à fait dans leur mutuelle société.
Après quelques phrases sur la pluie et le beau temps, le notaire en vint au sujet qui lui préoccupait si fâcheusement l’esprit.
— Il me semble, Lanyon, dit-il, que nous devons être, vous et moi, les deux plus vieux amis du Dr Jekyll ?
— Je préférerais que ces amis fussent plus jeunes ! plaisanta le Dr Lanyon. Admettons-le cependant. Mais qu’importe ? Je le vois si peu à présent.
— En vérité ? fit Utterson. Je vous croyais très liés par des recherches communes ?