Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans sa poche, qui sait ? Nous étions — hélas ! nous sommes encore — à la merci d’un accident de deux sous !

— Vous avez raison, dis-je, je n’avais point pensé à cela.

— Hé, parbleu, je le sais bien ! s’écria Romaine. Vous supposiez, vous, que c’était chose sans importance d’être le héros d’un fait-divers curieux dans les journaux ! Vous êtes toujours le même, décidément ! Songez donc qu’une partie de l’Angleterre se répète, dès ce soir, le nom de Champdivers ; un jour ou deux de plus, et la malle-poste aura porté ce nom à travers tout le royaume ; tant ces journaux sont une machine prodigieuse pour répandre le moindre bruit. Dans la jeunesse de mon père… mais ce n’est point de cela qu’il s’agit ! Pour en revenir à mon explication, je vous disais que nous avions là les deux éléments d’une explosion dont la seule pensée me fait trembler : le journal et votre cousin. Qu’il eût seulement jeté un coup d’œil sur cette colonne d’imprimé, et où étions-nous ? Question facile à poser, mais pas si facile à résoudre, mon jeune ami !

— Je vous demande pardon, monsieur, dis-je, j’ai été injuste ! Je ne me rendais pas compte du danger de ma situation.

— Je suppose que vous ne vous en rendez jamais compte ! fit-il.

— Mais encore, repris-je, cette scène en public…

— C’était insensé, je vous l’accorde ! interrompit M. Romaine. Mais votre oncle l’avait exigé ainsi, monsieur Anne, et que pouvais-je faire ? Lui expliquer que vous étiez le meurtrier de Goguelat ?

— Non, certes ! répondis-je. Cela n’aurait servi qu’à brouiller l’affaire davantage. Je reconnais que nous étions en très fâcheuse posture.

— Plus fâcheuse que vous ne pouvez l’imaginer ! répliqua le notaire. C’était chose absolument indispensable que votre cousin partît d’ici, et qu’il partît tout de suite. Vous-même, vous aviez à partir au plus tôt, sous le couvert de