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quoi récapitulerais-je les détails de menues précautions qui ne me servirent de rien et de ruses pénibles qui ne trompèrent personne ?

Le soir tombait lorsque Rowley et moi fîmes irruption dans Édimbourg, au bruit strident de la trompette de notre cocher. Je me retrouvais là sur mon champ de bataille, sur la scène de ma captivité, de mon évasion, de tous mes exploits ; et je me retrouvais aussi dans la même ville où demeurait mon amour. Mon cœur se gonflait d’enthousiasme ; rarement j’avais eu aussi fort la conscience d’être un héros. À travers toute la ville je restai assis sur le siège de la diligence, près du cocher, les bras croisés et le regard droit, dévisageant hardiment tout le monde, et prêt à entendre, d’un instant à l’autre, le cri de surprise d’un passant qui m’aurait reconnu. Le fait est que, étant donnée la foule qui venait nous voir au château, et étant donnée la curiosité toute particulière que je me trouvais y avoir provoquée, je m’étonne, aujourd’hui encore, que personne n’ait songé à me reconnaître dans les rues d’Édimbourg. Mais, d’autre part, un menton bien rasé suffit à constituer tout un déguisement, sans compter qu’il y a aussi une grande différence entre une livrée jaune mi-partie et un grand manteau couleur souris doublé de fourrure noire, une paire de bas ajustés à la dernière mode et un haut chapeau de l’élégance la plus raffinée. Moi-même, en regardant toutes les figures qui passaient près de moi, je n’en reconnaissais aucune : comment auraient-elles songé à identifier le jeune dandy que j’étais avec un misérable prisonnier français entrevu naguère au château ?

Je fus cependant ravi de pouvoir mettre mes pieds sur le pavé et, ensuite, d’échapper à la foule qui s’était rassemblée pour voir arriver la diligence. Bientôt nous fûmes seuls, au crépuscule, chargés de notre bagage, dans les rues de la Ville-Neuve. C’était, je me rappelle, un samedi soir, la veille du fameux « sabbat » écossais.

Nous résolûmes de porter nos bagages nous-mêmes. Je