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— Comment voulez-vous que je décide en pareille matière ? demanda ma chère Flora. La seule réponse que je puisse vous faire risque de ne pas être du tout une réponse. Le vent souffle où il lui plaît de souffler ; c’est encore un autre proverbe. Et, de même, l’amour va où le cœur le conduit ! »

Son visage était devenu tout rouge, pendant qu’elle disait cela ; et le mien rougit aussi, et mon cœur sauta de joie. Mais le visage de Chevenix pâlit.

« Vous faites de la vie une sorte de loterie assez effrayante, madame ! dit-il. Mais je ne veux pas désespérer !

— Je ne puis pas imaginer ce qui nous a conduits à aborder ce sujet ! dit Flora, toute gênée.

— C’était la guerre, madame ! répondit Chevenix

— Mais d’ailleurs, tous les chemins mènent à Rome ! ajoutai-je. Et puis de quel autre sujet aurions-nous pu parler avec vous, M. Chevenix et moi ? »

En cet instant, j’eus vaguement conscience d’une certaine agitation qui se produisait dans le fond de la chambre, derrière moi : mais je n’y aurais point pris garde si je n’avais aperçu des traces nouvelles d’inquiétude sur le visage de Flora. À plusieurs reprises, elle me fit même comme un signe, avec son éventail ; ses yeux semblaient m’adresser un appel. Évidemment, elle me demandait quelque chose ; je crus comprendre qu’elle me demandait de m’en aller, de laisser le champ libre à mon rival ; mais c’était chose, en vérité, que je n’avais nulle intention de lui accorder. Enfin elle se leva de sa chaise, brusquement.

« Monsieur Ducie, je crois qu’il est temps de nous dire bonsoir ! » murmura-t-elle.

Je n’en voyais toujours pas le motif, et je le lui dis. Mais elle, oubliant la présence de Chevenix, dans son affolement :

« Voici ma tante qui vient de se lever de la table du whist ! » me dit-elle, d’une voix suppliante.