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occupé, et ne pouvait recevoir personne. Je la priai d’insister, de la part de M. Ducie.

« Oh ! me dit-elle, en ce cas, voici une lettre qui doit être pour vous ! »

Et elle me tendit une enveloppe, déposée sur la table de l’antichambre. L’enveloppe contenait un billet de deux lignes, rédigé ainsi :

Cher monsieur, je n’ai qu’un avis à vous donner : filez au plus vite vers le sud ! Vôtre, E. Robbie.

C’était bref et courtois. Avec une bonne grâce parfaite, cela éteignait une de mes espérances. Quoi qu’il arrivât, je n’avais plus rien à attendre de M. Robbie.

Je revins alors dans George Street, pour m’assurer si l’homme au gilet de moleskine, continuait à monter sa garde. Aucune trace de lui sur le trottoir ! Découvrant la porte d’une maison qui se trouvait ouverte vis-à-vis de la banque, l’idée me vint que j’aurais là un excellent poste d’observation. Je traversai la rue, entrai sous la porte, d’une allure affairée, et me butai aussitôt contre l’homme au gilet de moleskine, debout sur les premières marches de l’escalier. Je m’arrêtai pour lui présenter mes excuses ; après quoi je dus naturellement grimper jusqu’au dernier étage de la maison, sonner tour à tour à la porte de trois appartements, demander M. Morley, apprendre (sans trop de surprise) que ce personnage fictif ne demeurait point là, redescendre, et m’échapper enfin dans la rue, non sans avoir salué bien poliment l’homme de Row Street.

J’en étais maintenant réduit au bal du lendemain. Robbie m’avait manqué ; la banque était surveillée : impossible de songer à y envoyer Rowley ! Tout ce que je pouvais faire était d’attendre la soirée du lendemain, et de me présenter au bal, à tout risque. Mais je dois avouer que je n’arrivai à cette décision qu’avec une frayeur infinie ; et c’est en cet instant-là que, pour la première fois de ma vie, tout mon courage se brisa. Je ne dis pas