Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/50

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Ronald ? et nous pensons à vous, monsieur de Saint-Yves ; mais je dois avouer que c’est une pensée qui ne nous réjouit guère !

— Mademoiselle, dis-je d’une voix tremblante et en retenant mes larmes, si vous saviez à quel point vos généreuses paroles ont, dès le premier jour, adouci pour moi l’horreur de cet endroit, je crois, j’espère, je suis sûr que vous vous en réjouiriez ! Je viendrai ici tous les jours, je regarderai cette chère cheminée et ces collines vertes, et je vous bénirai du fond de mon cœur, et je prierai pour vous ! Malheureusement, je ne suis qu’un pauvre pécheur, et je n’ose point vous affirmer que mes prières aient beaucoup de pouvoir !

— Toutes les prières en ont, monsieur de Saint-Yves ! répondit-elle doucement. Mais je crois qu’il est temps que nous partions !

— Oh tout à fait temps ! » reprit Ronald, que (pour dire la vérité) j’avais un peu oublié.

Pendant que je les reconduisais jusqu’à l’escalier, un fâcheux hasard voulut que nous rencontrions le major Chevenix. Je m’arrêtai pour lui faire le salut, au passage ; mais il semblait n’avoir d’yeux que pour Flora.

« Qui est cet homme ? me demanda-t-elle.

— Un ami, répondis-je. Je lui donne des leçons de français, et il a été très bon pour moi.

— Il m’a regardée, dit-elle. Pourquoi m’a-t-il regardée ainsi ?

— Si vous ne désirez point qu’on vous regarde, mademoiselle, laissez-moi vous recommander de porter un voile ! »

Elle tourna vers moi ses beaux yeux, où se lisait une colère charmante. Dès l’instant d’après, elle était partie.

Mais, le lendemain, lorsque j’entrai dans la chambre de Chevenix, et au moment où je m’apprêtais à lui corriger son thème :

« Je vous fais compliment de votre bon goût ! me dit-il.

— Je vous demande pardon ?… dis-je.