Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/147

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de la sainteté ; mais le formidable adversaire se relève toujours sous d’autres formes ou d’autres noms. L’Esprit n’a point encore cessé d’être divin, saint, sacré. Il y a longtemps en vérité qu’il ne plane plus au-dessus de nos têtes comme une colombe, il y a longtemps qu’il ne descend plus sur ses seuls élus : il se laisse saisir aussi par des laïques, etc. ; mais en tant qu’Esprit de l’humanité, c’est-à-dire Esprit de l’Homme, il demeure pour toi comme pour moi un Esprit étranger, bien loin d’être une propriété dont nous puissions disposer selon notre bon plaisir.

Un fait est néanmoins certain, qui a visiblement dirigé la marche de l’histoire depuis Jésus-Christ, c’est la tendance à rendre le Saint-Esprit plus humain, à le rapprocher des hommes ou à rapprocher les hommes de lui ; de là vint qu’il put être finalement conçu comme l’ « Esprit de l’humanité », et qu’il nous parut d’un commerce plus facile et plus familier sous ses divers noms d’idée de l’humanité, genre humain, humanisme, philanthropie, etc.

Ne devrait-on pas penser que chacun peut aujourd’hui posséder le Saint-Esprit, interpréter l’idée d’humanité et réaliser en soi le genre humain ?

Non : l’Esprit n’a perdu ni sa sainteté ni son inviolabilité ; il ne nous est pas accessible et n’est pas notre propriété, car l’Esprit de l’humanité n’est pas mon Esprit. Il peut être mon idéal, et en tant que je le pense, je rappellerai mien : la pensée de l’humanité est ma propriété, et je le prouve surabondamment par le seul fait que j’en fais ce qu’il me plaît, et lui donne aujourd’hui telle forme et demain telle autre. Nous nous représentons l’Esprit sous les aspects les plus divers, mais il est toutefois un fidéicommis que je ne puis ni aliéner ni supprimer.

À la longue et après de multiples avatars, le Saint-Esprit est devenu l’« Idée absolue », laquelle, à son tour, se divisant et se subdivisant, a donné naissance aux