Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/150

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tu n’as pas d’abord demandé la permission et si tu n’y es autorisé. Et autorisé par qui ? Par le Respect ! Ce n’est que lorsqu’il t’aura accord la propriété de cette épingle, lorsque tu pourras la respecter comme une propriété, que tu pourras te baisser et la prendre. Bien plus, tu ne dois avoir aucune pensée, prononcer aucune syllabe, poser aucun acte qui ait en toi seul leur sanction, au lieu de la recevoir de la Moralité, de la Raison ou de l’Humanité.

Bienheureuse ingénuité de l’homme qui ne connaît que ses appétits, avec quelle cruauté on a cherché à t’immoler sur l’autel de la Contrainte !

Autour de l’autel se dresse une église, et cette église grandit, et ses murailles s’écartent chaque jour davantage. Ce que couvre l’ombre de ses voûtes est — sacré, inaccessible à tes désirs, soustrait à tes atteintes. Le ventre creux, tu rôdes au pied de ces murailles, cherchant pour apaiser ta faim quelques restes de profane, et les cercles de ta course vont sans cesse s’élargissant. Bientôt cette église couvrira la Terre entière, et tu seras refoulé à ses plus lointaines limites ; encore un pas, et le monde du sacré a vaincu, tu t’enfonces dans l’abîme. Courage donc, paria, puisqu’il est temps encore ! Cesse d’errer, criant famine, à travers les champs fauchés du profane ; risque tout, et rue-toi à travers les portes au cœur même du sanctuaire ! Si tu consommes le sacré, tu l’auras fait tien ! Digère l’hostie, et tu en es quitte !


III. — LES AFFRANCHIS


Comme nous avons consacré deux chapitres distincts aux Anciens et aux Modernes, on pourrait juger convenable que nous en consacrions spécialement un aux Affranchis, comme aux représentants d’un troisième moment de l’évolution de la pensée humaine.