Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

voulez manger, boire, vivre ; comment pourriez-vous être moins égoïstes dans votre repos ? Vous ne travaillez que parce qu’une fois la besogne finie il est doux de se récréer — de flâner ; quant à la façon dont vous occuperez vos heures de loisir, le hasard seul en décidera.

Pour verrouiller toutes les portes par où l’égoïsme peut s’introduire dans la place, il faudrait s’efforcer de parvenir au complet « désintéressement ». Le désintéressement seul est humain, vu que l’homme seul est désintéressé, tandis que l’égoïste ne l’est jamais.




Admettons provisoirement le désintéressement et demandons : Veux-tu donc ne t’intéresser à rien, ne t’enthousiasmer pour rien, pas même pour la Liberté, l’Humanité, etc. ? — Oh ! si ! Mais ce n’est pas là un intérêt égoïste, un bas calcul d’intérêt, c’est un intérêt humain, théorique, c’est-à-dire un intérêt qui ne s’attache ni à un individu ni aux individus (à tous), mais à l’idée, à l’Homme.

Mais ne remarques-tu pas que ce qui t’enthousiasme n’est que ton idée, ton idée de la Liberté, par exemple ? Et ne remarques-tu pas en outre que ton prétendu désintéressement n’est, comme le désintéressement religieux, qu’une spéculation sur le Ciel ?

Les besoins de l’individu te laissent froid, et tu serais capable de t’écrier abstraitement ; « Fiat libertas, pereat mundus » Tu ne te soucies pas du lendemain, et tu ne prends surtout pas sérieusement à cœur les appétits individuels, ton bien-être à toi et aux autres ; tout cela t’importe peu, parce que tu es un — rêveur.

L’Humanitaire sera-t-il peut-être assez libéral pour considérer comme humain tout le possible humain ? Au contraire ! En vérité, il ne nourrit pas contre la prostituée les mêmes préventions morales que le philistin, mais « penser que cette femme fait de son