Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/247

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’un homme peut ne pas être un Homme, à moins d’admettre cette hypothèse que le concept Homme peut être séparé de l’homme existant, l’essence du phénomène ? On dit : Il paraît un homme, mais n’en est pas un.

Il y a bien des siècles que les hommes se contentent de cette « pétition de principe » ! Et ce qu’il y a de plus fort, c’est que pendant tout ce temps il n’a existé que des non-hommes. Quel individu a jamais coïncidé avec son schème ? Le Christianisme ne connaît qu’un seul et unique Homme — le Christ — et celui-là même n’est, au point de vue opposé, qu’un non-homme : c’est un homme surhumain, un « Dieu ». L’homme réel n’est que le — non-homme.

Ces hommes qui ne sont pas des hommes, que pourraient-ils être d’autre que des fantômes ? Chaque homme réel, ne correspondant pas au concept « Homme » ou n’étant pas « conforme au génie de l’espèce », est un spectre. Mais si je fais mien, si je réduis à n’être plus qu’un de mes attributs, une de mes propriétés, cet Homme qui était jusqu’ici exclusivement mon idéal, mon devoir, mon essence ou mon concept et qui planait comme tel au-dessus de moi et au-delà de moi, si je fais en sorte que l’Homme ne soit plus que mon humanité, ma manière d’être, et que ce que je fais ne soit plus humain que par la seule raison que c’est moi qui le fais et non parce que cela répond à la notion d’ « Homme », resterai-je encore un non-homme ? Je suis en réalité l’Homme et le non-homme tout ensemble, car je suis à la fois homme et plus qu’homme : je suis le Moi de cette individualité qui est ma et rien que ma propriété.

On devait finalement en venir à ne plus nous exhorter simplement à être des Chrétiens, mais à exiger que nous devinssions des Hommes. Nous n’avions en vérité jamais été réellement des Chrétiens, nous étions toujours restés de « pauvres pécheurs » (