Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/259

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

s’imagine cependant, que ce tribunal constitue une garantie. Oui, il en est une, il est une garantie, mais contre l’erreur individuelle d’un censeur ; il ne protège que le magistrat chargé d’appliquer la loi, dont il met la volonté à l’abri des interprétations erronées de cette loi ; quant à l’écrivain, il n’en est que plus étroitement soumis à la loi dont l’autorité est renforcée de toute la « puissance sacrée du Droit ».

Que j’aie le droit pour moi ou contre moi, nul autre que moi-même n’en peut être juge. Tout ce que les autres peuvent faire, c’est juger si mon droit est ou n’est pas d’accord avec le leur, et apprécier si, pour eux aussi, il est un droit.

Envisageons encore la question à un autre point de vue. Je dois dans un sultanat respecter le droit du Sultan, en république le droit du peuple, dans la communauté catholique le droit canon, etc. Je dois me soumettre à ces droits, les tenir pour sacrés. Ce « sens du droit », cet « esprit de justice », est si solidement enraciné dans la tête des gens que les plus radicaux des révolutionnaires actuels ne se proposent rien de plus que de nous asservir à un nouveau « Droit » tout aussi sacré que l’ancien : au droit de la Société, au droit de l’Humanité, au droit de tous, etc. Le droit de « tous » doit avoir le pas sur mon droit. Ce droit de « tous » devrait être aussi mon droit, puisque je fais partie de « tous » ; mais remarquez que ce n’est point parce qu’il est le droit des autres, et même de tous les autres, que je me sens poussé à travailler à sa conservation. Je ne le défendrai pas parce qu’il est un droit de tous, mais uniquement parce qu’il est mon droit ; que chacun veille à se le conserver de même ! Le droit de tous (celui de manger, par exemple) est le droit de chaque individu. Si chacun veille à se le garder intact, tous l’exerceront d’eux-mêmes ; que l’individu ne s’inquiète donc pas de tous et défende son droit sans se faire le zélateur d’un droit de tous !

Mais les réformateurs sociaux nous prêchent un «