Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/290

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Ainsi donc, ce que je veux je ne le puis pas. Mais est-il une société, quelle qu’elle soit, où je puisse espérer trouver cette liberté d’action illimitée ? Non ! Et une société est-elle capable de nous satisfaire ? En aucune façon ! C’est tout autre chose de me heurter à un autre Moi, ou de me heurter à un peuple, à une généralité. Dans le premier cas, mon adversaire et moi combattons d’égal à égal ; dans le second, je suis un adversaire méprisé, enchaîné et tenu en tutelle. Contre un autre Moi, je suis un mâle en face d’un mâle ; en face du Peuple, je suis un écolier qui ne peut s’attaquer à son camarade sans que ce dernier appelle à son secours le papa et la maman : lorsqu’il s’est mis à l’abri derrière une jupe, moi, l’enfant malappris, on me gronde et on me « défend de raisonner ». Un Moi est un ennemi en chair et en os ; allez donc étreindre et terrasser l’Humanité, une abstraction, une « Majesté », un fantôme ! Mais il n’est pas de Majesté, pas de Sainteté qui puisse me dire. : tu n’iras pas plus loin ; rien ne peut m’empêcher de passer dont je puis me rendre maître. Ce que je ne puis vaincre, voilà la seule limite à mon pouvoir ; et tant que mon pouvoir est borné, je ne suis qu’un Moi borné ; — borné, non pas par la puissance extérieure, mais par ce qu’il me manque encore de puissance propre, par ma propre impuissance. Mais la « garde meurt et ne se rend pas ! ». Donnez-moi seulement un adversaire vivant !


« Je me mesurerai avec tout adversaire
que je puis voir et toiser du regard,
qui, lui-même plein de courage, enflamme mon courage…, etc. »


Le temps a aboli maint privilège, mais toujours en vue du seul bien public, en vue de l’État, du bien de l’État, et en aucune façon en vue de mon bien à moi. Le servage, par exemple, ne fut aboli qu’afin de renforcer la puissance d’un maître unique,