Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/292

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La liberté du Peuple n’est pas ma liberté.

Admettons ces catégories, liberté du Peuple et droit du Peuple, et soit par exemple le droit « du Peuple » que chacun a de porter des armes. N’est-ce pas là un droit dont on peut être privé ? Si c’était mon propre droit, je ne pourrais pas le perdre ; mais ce droit ne m’appartient pas, il appartient au Peuple, aussi peut-il m’être enlevé. Je puis être emprisonné en vertu de la liberté du Peuple, et je puis, à la suite d’une condamnation, être déchu du droit de porter des armes.

Le Libéralisme me paraît être une dernière tentative peur instaurer la liberté du Peuple, la liberté de la communauté, de la « Société », de la généralité, de l’Humanité. J’y vois le rêve d’une humanité majeure, d’un peuple majeur, d’une communauté, d’une « Société » majeures.

Un peuple ne peut être libre qu’aux dépens de l’individu, car sa liberté ne touche que lui et n’est pas l’affranchissement de l’individu ; plus le peuple est libre, plus l’individu est lié. C’est à l’époque de sa plus grande liberté que le peuple grec établit l’ostracisme, bannit les athées et fit boire la ciguë au plus probe de ses penseurs.

Combien n’a-t-on pas vanté chez Socrate le scrupule de probité qui lui fit repousser le conseil de s’enfuir de son cachot ! Ce fut de sa part une pure folie de donner aux Athéniens le droit de le condamner. Aussi n’a-t-il été traité que comme il le méritait ; pourquoi se laissait-il entraîner par les Athéniens à engager la lutte sur le terrain où ils s’étaient placés ? Pourquoi ne pas rompre avec eux ? S’il avait su, s’il avait pu savoir ce qu’il était, il n’eût reconnu à de tels juges aucune autorité, aucun droit. S’il fut faible, ce fut précisément en ne fuyant pas, en gardant cette illusion qu’il avait encore quelque chose de commun avec les Athéniens, et en s’imaginant n’être qu’un membre, un simple membre de ce peuple. Il était bien