Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/296

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

anniversaire de notre chère Allemagne. Sonnez, sonnez, ô cloches, cloches des funérailles ! Votre voix est si solennelle et si grave qu’il semble que vos langues de bronze soient mues par un pressentiment et que vous escortiez un mort. Peuple allemand et peuples allemands ont derrière eux dix siècles d’histoire ; quelle longue vie ! Descendez donc au tombeau pour ne vous relever jamais, et qu’ils soient libres, ceux que vous avez tenus enchaînés si longtemps ! — Le Peuple est mort, Je me lève.

Ô toi qui as tant souffert, ô mon peuple allemand, quelle a été ta souffrance ? C’était le tourment d’une pensée qui ne peut se créer un corps, le tourment d’un Esprit errant qui s’évanouit lorsque le coq chante et qui aspire cependant à sa délivrance et à sa réalisation. En moi aussi, tu as longtemps vécu, chère — pensée, cher — fantôme ! Déjà je croyais avoir trouvé la parole magique qui doit te délivrer, déjà je croyais avoir découvert une chair et des membres pour vêtir l’Esprit errant, — et voilà que j’entends le glas des cloches qui te conduisent au repos éternel ; voilà que la dernière espérance s’envole, que le dernier amour s’éteint. Je dis adieu à la maison déserte des morts et je retourne parmi les vivants.

« Car seuls les vivants ont raison. »

Adieu donc, rêve de tant de millions d’hommes ; adieu, toi qui pendant mille ans as tyrannisé tes enfants !

Demain, on te portera en terre ; bientôt, tes sœurs les nations te suivront. Quand toutes seront parties à ta suite, l’humanité sera enterrée, et sur sa tombe, Moi, mon seul maître enfin, Moi, son héritier, je rirai.