Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/297

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Le mot Gesellschaft, société, a pour étymologie le mot Saal, salle. Lorsqu’une salle renferme plusieurs personnes, c’est elle qui fait que ces personnes sont en société. Elles sont en société, mais elles ne font pas la société ; elles en font tout au plus une société de salon si elles parlent le langage que l’on parle dans un salon, Quant aux véritables relations, elles sont indépendantes de la société, elles peuvent exister ou ne pas exister sans que la nature de ce qu’on appelle « société » en soit altérée. La société, ce sont les personnes qui se trouvent dans la salle, et peu importe qu’elles soient muettes ou ne prononcent que de banales phrases de politesse. Les relations, au contraire, impliquent réciprocité, c’est le commerce (commercium) des individus. La société n’est que l’occupation en commun d’une salle ; des statues, dans une salle de musée, sont en société, elles sont « groupées ». Telle étant la signification naturelle du mot société, il s’ensuit que la société n’est pas l’œuvre de toi et de moi, mais d’un tiers ; c’est ce tiers qui fait de nous des compagnons et qui est le vrai fondateur, le créateur de la société.

Il en est de même pour une société ou compagnie de prisonniers (ceux qui jouissent d’une même prison). Le tiers que nous rencontrons ici est déjà plus complexe que ne l’était celui de tantôt, le simple local, la salle. Prison ne désigne plus simplement un lieu, mais un lieu en rapport avec ses habitants : la prison n’est prison que parce qu’elle est destinée à des prisonniers, sans lesquels elle serait un bâtiment quelconque. Qui imprime un caractère commun à ceux qui y sont assemblés ? Il est clair que c’est la prison, car c’est à cause d’elle qu’ils sont des prisonniers. Qui détermine la manière de vivre de la société de prisonniers ?