Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/306

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hui encore qu’il faut, avant d’être réellement un moi, un « citoyen libre », un « citoyen de l’État », un « homme libre » ou un « véritable homme », s’être au préalable incorporé l’État, son Peuple, l’Humanité, et que sais-je encore ? Eux non plus ne conçoivent de vérité et de réalité pour le moi que dans l’acceptation d’un moi étranger auquel on se dévoue. Et qu’est-il, ce moi ? Un moi qui n’est ni un moi ni un toi, un moi imaginaire, un fantôme.

Tandis qu’au Moyen Âge l’Église admettait parfaitement que plusieurs États vécussent côte à côte sous son aile, quand vint la Réforme et plus particulièrement la guerre de Trente Ans, ce fut aux États à apprendre la tolérance et à permettre à diverses Églises (confessions) de vivre réunies sous une même couronne. Mais tous les États sont religieux ; tous sont des « États chrétiens », et ils se font un devoir de courber les indépendants et les « égoïstes » sous le joug du surnaturel, c’est-à-dire de les christianiser. Toutes les institutions de l’État chrétien visent à la christianisation du peuple. Le but de tout l’appareil judiciaire est de forcer les gens à la justice, celui de l’école est de leur imposer la culture intellectuelle, etc. ; bref, le but de l’État est invariable : protéger celui qui agit chrétiennement contre celui qui n’agit pas chrétiennement, le rendre fort et lui assurer la suprématie. L’Église elle-même devint dans les mains de l’État un instrument de contrainte, et il exigea de chacun une religion déterminée. « L’enseignement et l’éducation appartiennent à l’État », disait dernièrement Dupin en parlant du clergé.

Tout ce qui touche au principe de la moralité est affaire d’État. De là, les perpétuelles immixtions de l’État chinois dans les affaires de famille : en Chine, on n’est rien si l’on n’est pas avant toute chose un bon enfant de ses parents. Chez nous aussi, les affaires de famille sont foncièrement des affaires d’État ; seulement, l’ingérence de l’État y est moins visible, parce