les gens d’être des citoyens dans toute l’acception du mot, et il s’exprime comme s’il n’était possible d’être homme qu’à condition de prendre une part active à la vie de l’État, c’est-à-dire à condition de jouer un rôle politique. En cela il est logique, car si on considère l’État comme le dépositaire et le gardien de toute « humanité », nous ne pouvons avoir rien d’humain si nous n’y participons pas. Mais en quoi cela touche-t-il l’égoïste ? En rien, car l’égoïste est lui-même le gardien de son humanité, et la seule chose qu’il demande à l’État, c’est de s’ôter de son soleil. Ce n’est que si l’État vient à toucher à sa propriété que l’égoïste sort de son indifférence. Si les affaires de l’État n’atteignent pas le savant enfermé dans son cabinet, doit-il s’en inquiéter parce que cette sollicitude est « le plus sacré de ses devoirs » ? Tant que l’État ne se met pas en travers de ses études favorites, qu’a-t-il besoin de s’en laisser distraire ? Que ceux-là s’inquiètent de la marche de l’État qui sont personnellement intéressés à le voir rester comme il est ou changer.
Ce n’est pas l’idée d’un « devoir sacré » à remplir qui pousse et qui poussera jamais personne à consacrer ses veilles à l’État, pas plus que ce n’est « par devoir » qu’on se fait disciple de la science, artiste, etc. ; l’égoïsme seul peut y conduire. Démontrez aux gens que leur égoïsme exige qu’ils offrent leur concours à l’État, et vous n’aurez pas besoin de les exhorter longtemps ; mais si vous faites appel à leur patriotisme, etc., vous prêcherez longtemps ce « service d’amour » à des cœurs sourds. Le fait est que jamais les égoïstes ne participeront comme vous l’entendez à la vie de l’État.
Je trouve dans Nauwerk une phrase imprégnée du plus pur Libéralisme : « L’homme n’accomplit sa mission que pour autant qu’il se sache et se sente membre de l’Humanité, et qu’il agisse comme tel. » Et plus loin : « Tels que les conçoit le Théologien, les