Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/322

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et c’est l’État — est plein de fripons, de trompeurs, de menteurs, de voleurs, etc. L’État étant la « souveraineté de la Loi » et sa hiérarchie, l’égoïste ne peut parvenir à ses fins que par le crime, dans tous les cas où son intérêt est opposé à celui de l’État.

L’État ne peut cesser d’exiger que ses lois soient tenues pour sacrées. Aussi l’Individu est-il aujourd’hui, vis-à-vis de l’État, exactement ce qu’il était jadis vis-à-vis de l’Église, un profane (un barbare, un homme naturel, un « égoïste », etc.). Devant l’Individu, l’État se ceint d’une auréole de sainteté. Il fait, par exemple, une loi sur le duel. Deux hommes qui conviennent de risquer leur vie afin de régler une affaire (quelle qu’elle soit) ne peuvent exécuter leur convention, parce que l’État ne le veut pas : ils s’exposeraient à des poursuites judiciaires et à un châtiment. Que devient la liberté de l’arbitre ? Il en est tout autrement là où, comme en Amérique du Nord, la société décide de faire subir aux duellistes certaines conséquences désagréables de leur acte et leur retire, par exemple, le crédit dont ils avaient joui antérieurement. Refuser son crédit est l’affaire de chacun, et s’il plaît à une société de le retirer à quelqu’un pour l’une ou l’autre raison, celui qu’elle frappe ne peut pas se plaindre d’une atteinte à sa liberté : la société n’a fait qu’user de la sienne. Il ne s’agit plus, ici, d’une expiation ni du châtiment d’un crime. En Amérique du Nord, le duel n’est pas un crime, c’est un acte contre lequel la société prend des mesures de prudence et se préserve. L’État, au contraire, qualifie le duel crime, c’est-à-dire violation de sa loi sacrée : il en fait une affaire criminelle. La société dont nous parlions laisse l’individu parfaitement libre de s’exposer aux suites funestes ou désagréables qu’entraînera sa manière d’agir, et laisse pleine et entière sa liberté de vouloir ; l’État fait précisément le contraire : il dénie toute légitimité à la volonté de l’individu et ne reconnaît comme légitime que sa propre volonté, la loi de l’État. Il en résulte que celui