Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/342

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Celui qui n’est que ce que font de lui les circonstances ou la volonté d’un tiers (l’état) n’a non plus, et c’est parfaitement juste, que ce que ce tiers lui accorde. Et ce tiers ne lui donnera que ce qu’il mérite, c’est-à-dire le salaire de ses services. Ce n’est pas lui qui se fait valoir et qui tire de soi-même le meilleur parti possible, c’est l’État.

Ce sujet est de ceux que l’économie dite politique traite avec prédilection ; il n’est cependant pas du domaine de la « politique » et dépasse de cent coudées l’horizon de l’État, qui ne connaît que la propriété de l’État et ne peut répartir qu’elle. L’État, ne peut faire autrement que de soumettre la possession de la propriété à des conditions, comme il y soumet tout, par exemple le mariage qu’il soustrait à ma puissance en n’admettant comme valable que le mariage par lui sanctionné. Mais une propriété n’est ma propriété que si elle est à moi sans conditions ; ce n’est que si je suis inconditionné que je puis être propriétaire, m’unir à la femme que j’aime et me livrer librement à un « commerce ».

L’État ne s’inquiète ni de Moi ni du mien, il ne se préoccupe que de soi et du sien ; si j’ai une valeur à ses yeux, ce n’est que comme « son enfant », « enfant du pays », etc. ; comme Moi, je ne lui suis rien. Ma vie, ses hauts et ses bas, ma fortune ou ma ruine ne sont pour l’intelligence de l’État qu’une contingence, un accident. Mais si Moi et le mien ne sommes pour lui qu’un accident, qu’est-ce que cela prouve, sinon qu’il est incapable de me comprendre ? Je dépasse sa compréhension, ou, en d’autres termes, son intelligence est trop courte pour me saisir. C’est ce qui explique d’ailleurs qu’il ne puisse rien faire pour moi.

Le paupérisme est un corollaire de la non-valeur du Moi, de mon impuissance à me faire valoir. Aussi État et paupérisme sont-ils deux phénomènes inséparables. L’État n’admet pas que je me mette moi-même