Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/366

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tout bonnement compter pour ce que nous valons ; si vous valez plus que nous, qu’à cela ne tienne, vous compterez pour plus. Ce que nous voulons, c’est avoir une valeur, et nous avons bien l’intention de nous montrer dignes du prix que vous payerez.

L’État est-il capable d’éveiller chez le salarié une aussi courageuse confiance et un sentiment aussi vif de son Moi ? L’État peut-il faire que l’homme ait conscience de sa valeur ? Il y a plus, oserait-il se proposer un tel but, peut-il vouloir que l’individu connaisse sa valeur et en tire le meilleur profit ? La question, on le voit, est double. Voyons en premier lieu ce que l’État est capable de réaliser dans cette direction. Il faut, nous l’avons vu, que tous les garçons de charrue marchent la main dans la main, mais aussi il n’y a que cet accord qui puisse donner un résultat : une loi de l’État se verrait éludée de mille manières et resterait lettre morte par l’effet de la concurrence. En second lieu, que peut permettre l’État ? Il lui est impossible de tolérer que les gens subissent une autre contrainte que la sienne ; il ne peut donc tolérer que les garçons de charrue coalisés se fassent justice contre ceux qui voudraient se louer à trop bas prix. Supposons pourtant que l’État ait fait une loi et que les valets de labour soient parfaitement d’accord, l’État pourrait-il, alors, consentir ?

Dans ce cas isolé, — oui ; mais ce cas isolé est plus que cela, il met en jeu un principe ; ce qui est en question ici, c’est le Moi réalisant lui-même sa valeur, et par conséquent s’affirmant en face de l’État. Jusque-là, les Communistes étaient d’accord avec nous. Mais la mise en valeur de soi-même est nécessairement en contradiction non seulement avec l’État, mais encore avec la Société ; elle vise bien au-delà du commun et du communiste, — par égoïsme.

Le Communisme fait du principe de la bourgeoisie, que tout homme est possesseur (« propriétaire »), une vérité indiscutable, une réalité, en mettant fin