Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/379

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langage répondît — car jusqu’où ne va pas l’insolence de ces gens ? — de la manière suivante :

—Réfléchissez bien à ce que vous dites ! Que fais-je donc en vue de me procurer pour mon livre la liberté de la presse ? Est-ce que je demande une permission ? Ne me voit-on pas, au contraire, sans me soucier de la légalité, guetter une occasion favorable, et la saisir sans aucun égard pour l’État et ses désirs ?

« Oui ! je trompe — puisqu’il faut que le mot terrible soit prononcé — je trompe l’État.

« Et vous, sans vous en douter, vous en faites autant. Vous lui persuadez du haut de vos tribunes qu’il doit faire le sacrifice de sa sainteté et de son invulnérabilité, qu’il doit s’exposer aux attaques des gens qui écrivent, sans avoir pour cela de danger à redouter. Eh bien ! vous l’abusez ; car c’en sera fait de son existence aussitôt qu’il aura perdu son inviolabilité.

« Il est vrai qu’à vous il pourrait bien concéder la liberté d’écrire comme l’a fait l’Angleterre : Vous êtes les dévots de l’État, vous êtes incapables d’écrire contre lui, quoi que vous y puissiez voir d’abus à réformer et de « défectuosités à amender ». Mais quoi ? Si des adversaires de l’État profitaient de la liberté de la parole pour se déchaîner contre l’Église, l’État, les Mœurs, et pour assaillir le « sacro-saint » d’implacables arguments ? Vous seriez alors les premiers à trembler et à appeler à la vie des lois de septembre. Vous vous repentiriez, trop tard, de la sottise qui vous aurait poussés à enjôler et à aveugler l’État ou le Gouvernement.

« Mais ma conduite à moi ne prouve que deux choses. D’abord ceci, que la liberté de la presse est toujours inséparable de « circonstances favorables » et ne peut, par conséquent, jamais être une liberté absolue ; en second lieu ceci, que quiconque veut en jouir doit rechercher et au besoin créer l’occasion favorable, en faisant prévaloir contre l’État son propre