Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/386

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d’une manière approfondie ; mais le critique doit, avant tout, l’aimer et voir en elle le livre saint. N’est-ce pas comme si on disait : il ne faut pas que sa critique l’anéantisse, il doit la laisser subsister, et subsister en tant que chose sacrée et indestructible ?

Il en est de même de notre critique des hommes : l’amour doit en rester la tonique invariable. Il est certain que les jugements que nous dicte la haine ne sont pas nos propres jugements, ce sont les jugements de la haine qui nous domine, des « jugements haineux ». Mais les jugements dictés par l’amour sont-ils mieux les nôtres ? Ce sont les jugements de l’amour qui nous domine, ce sont des jugements « charitables, indulgents », mais ce ne sont pas nos propres jugements, ni par conséquent, réellement, des jugements.

Celui qui brûle d’amour pour la justice s’écrie : fiat justitia, pereat mundus ! Il lui est permis de se demander et d’examiner ce que c’est, à proprement parler, que la justice, ce qu’elle exige et en quoi elle consiste, mais non pas si elle est quelque chose.

Il est bien vrai que « Celui qui demeure dans l’amour, celui-là demeure en Dieu et Dieu en lui » (ler ép. de Jean, IV, 16). Le Dieu demeure en lui, il ne peut s’en défaire et devenir sans dieu, et lui-même demeure en Dieu, il reste confiné dans l’amour de Dieu et ne peut devenir sans amour.

« Dieu est l’Amour ! » Tous les siècles et toutes les générations reconnaissent dans cette parole le fondement du Christianisme. Mais ce Dieu qui est amour est un Dieu importun : il ne peut pas laisser le monde en repos, il veut lui infuser la sainteté. « Dieu s’est fait homme pour rendre les hommes divins . » Sa main se retrouve partout, et rien n’arrive que par lui. En tout se révèlent ses « desseins excellents », ses « vues et ses décrets impénétrables ». La raison, qui est lui-même, doit aussi se développer et se réaliser