Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/399

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qu’un rapport, celui de l’utilité, du profit, de l’intérêt. Nous ne nous devons rien l’un à l’autre, car ce que je puis paraître te devoir, c’est tout au plus à moi que je le dois. Si, pour te faire sourire, je t’aborde avec une mine joyeuse, c’est que j’ai intérêt à ton sourire et que mon visage est au service de mon désir. À mille autres personnes que je ne désire pas faire sourire, je ne sourirai pas.



Cet amour, qui se fonde sur l’ « essence de l’Homme » et qui, dans la période chrétienne et morale, pèse sur nous comme un « commandement », on doit y être dressé. C’est à l’influence morale, le principal facteur de notre éducation, à y pourvoir. Comment s’y prend-on pour régler les relations entre les hommes ? C’est ce que nous allons, du moins pour un cas particulier, étudier ici avec les yeux de l’égoïsme.

Ceux qui nous élèvent apportent un soin tout particulier à nous déshabituer de bonne heure du mensonge et à nous inculquer ce principe qu’il faut toujours dire la vérité. Si on fondait cette règle sur l’égoïsme, tout le monde s’en pénètrerait facilement ; on comprendrait sans peine que le menteur perd de gaieté de cœur la confiance qu’il désire inspirer aux autres, et on sentirait combien il est juste de dire que le menteur n’est pas cru, même quand il dit vrai. Mais chacun sentirait en même temps qu’il ne doit la vérité qu’à celui que lui-même autorise à entendre cette vérité. Supposez qu’un espion rôde dans le camp ennemi sous un vêtement emprunté et qu’on lui demande qui il est. Ceux qui posent la question sont évidemment en droit de le faire, mais l’homme déguisé ne leur donne pas le droit d’apprendre de lui la vérité ; aussi leur dira-t-il tout ce qu’il lui plaira d’inventer mais non ce qui est vrai. Et pourtant la