Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/405

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voulu se délivrer des liens de Dieu. (Le pape ne le délia que plus tard de son serment.)

Il est honteux de tromper une confiance que nous avons librement cherché à gagner ; mais quand un homme veut nous tenir en son pouvoir par un serment, le rendre victime de l’insuccès de sa ruse et de sa défiance n’est pas une honte pour l’égoïsme. Tu as voulu me lier ? Apprends donc que je puis rompre tes liens.

Est-ce Moi qui ai donné à celui qui a confiance le droit de se fier à moi ? Toute la question est là. Qu’un homme qui poursuit mon ami me demande dans quelle direction il s’est enfui, je le mettrai certainement sur une fausse piste. Pourquoi vient-il s’adresser justement à moi, à l’ami de celui qu’il poursuit ? Plutôt que d’être un faux ami, plutôt que de trahir l’ami et l’amitié, je mentirai à l’ennemi. Je pourrais, il est vrai, répondre avec une courageuse droiture que je ne veux pas parler (c’est ainsi que Fichte résout la question). De cette manière, mon amour de la vérité sera sauf, mais j’aurai fait, pour mon ami, tout juste — rien ; car si je ne dépiste pas l’ennemi, le hasard peut le mettre sur la bonne voie, et mon amour de la vérité aura livré mon ami, en m’ôtant — le courage du mensonge. Celui pour qui la vérité est une idole, une chose sacrée, doit s’humilier devant elle, il ne peut pas braver ses exigences et y résister vaillamment, bref, il doit renoncer à l’héroïsme du mensonge. Car le mensonge ne demande pas moins de courage que la vérité, et un courage dont sont dépourvus la plupart des jeunes gens : ils aiment mieux confesser la vérité et monter pour elle sur l’échafaud que conserver, en ayant le courage de mentir, l’espoir de ruiner la puissance de l’ennemi. Pour eux la vérité est « sacrée », et ce qui est sacré exige toujours un culte aveugle fait de soumission et de sacrifice.

Si vous manquez d’audace, si vous ne vous moquez