Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/406

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pas du sacro-saint, il vous domestique et vous asservit. Qu’on amorce le piège d’un grain de vérité, vous vous y élancerez certainement tête baissée — et voilà un fou attrapé. Vous ne voulez pas mentir ? Eh bien ! faites-vous égorger sur l’autel de la vérité et soyez — martyr ! Martyr au profit de qui ? De vous-même, de votre individualité ? Non, de votre idole — de la vérité. Vous ne connaissez que deux espèces de services, que deux espèces de serviteurs : les serviteurs de la vérité et les serviteurs du mensonge. Servez donc la vérité, et que Dieu vous bénisse !

Il y a d’autres serviteurs de la vérité, qui la servent « avec mesure », et qui font, par exemple, une distinction entre le mensonge simple et le mensonge sous serment. Et pourtant tout le chapitre du serment se confond avec celui du mensonge, car un serment n’est qu’une énonciation fortement affirmée. Vous vous croyez en droit de mentir parce que vous n’ajoutez pas un serment ? Ceux qui y regardent de près doivent condamner et damner le mensonge aussi sévèrement que le faux serment. Il s’est conservé dans la morale un vieux sujet de controverse que l’on a l’habitude de traiter sous le titre de « mensonge officieux ». Quiconque admet le mensonge officieux est obligé, pour être conséquent, d’admettre le « serment officieux ». Si mon mensonge se trouve justifié parce qu’il est un mensonge de nécessité, pourquoi serais-je assez pusillanime pour priver ce mensonge justifié de l’appui de la plus forte affirmation ? Quoi que je fasse, pourquoi ne le ferais-je pas tout à fait et sans restriction (reservatio mentalis) ? Et si je me mets à mentir, pourquoi ne pas le faire complètement, en toute connaissance de cause et de toutes mes forces ? Espion, je serais obligé de confirmer par serment toutes les fausses déclarations que je ferais à l’ennemi. Résolu à lui mentir, devrais-je tout à coup sentir ma résolution et mon courage