Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/436

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il ne suffit pas d’avoir dressé la masse à la religion, il faut à présent la pétrir de « tout ce qui est humain ». Et le dressage devient toujours plus universel et plus étendu.

Pauvres êtres, qui pourriez être si heureux s’il vous était permis de gambader à votre guise ! Il faut que vous dansiez au son de la serinette des pédagogues et des montreurs d’ours, et que vous appreniez à faire des tours dont vous n’eussiez jamais de la vie senti le besoin. Cela ne finit-il pas par vous révolter, de voir qu’on vous prend toujours pour autre chose que ce que vous voulez paraître ? Non ! Vous répétez mécaniquement la question qu’on vous a soufflée : « À quoi suis-je appelé ? Quel est mon devoir ? » Et il suffit que vous posiez la question pour qu’aussitôt la réponse s’impose à vous : vous vous ordonnez ce que vous devez faire, vous vous tracez une vocation, ou vous vous donnez les ordres et vous vous imposez la vocation que l’Esprit a d’avance prescrits. Par rapport à la volonté, cela peut s’énoncer ainsi : Je veux ce que je dois.

Un homme n’est « appelé » à rien ; il n’a pas plus de « devoir » et de « vocation » que n’en ont une plante ou un animal. La fleur qui s’épanouit, n’obéit pas à une « vocation » mais elle s’efforce de jouir du monde et de le consommer tant qu’elle peut, c’est-à-dire qu’elle puise autant de sucs de la terre, autant d’air de l’éther et autant de lumière du soleil qu’elle en peut absorber et contenir. L’oiseau ne vit pas pour remplir une vocation, mais il emploie ses forces le mieux possible, il attrape des insectes et chante à cœur joie. Les forces de la fleur et de l’oiseau sont faibles, comparées à celles d’un homme, et l’homme qui bande ses forces pour conquérir le monde l’étreint bien plus puissamment que ne le font la fleur et l’oiseau. Il n’a pas de vocation ou de mission à remplir, mais il a des forces, et ces forces se déploient, se manifestent, où elles sont parce que, pour elles, être,