Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/445

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extérieur. Je sais que rien ne m’oblige à me laisser contraindre par mes désirs, mes appétits et mes passions, et la culture m’a donné la force de les vaincre : je suis leur — maître. De même, je suis, grâce aux sciences et aux arts, le maître du monde rebelle ; la terre et la mer sont sous mes ordres, et les étoiles même doivent me rendre des comptes. C’est l’Esprit qui m’a donné cet empire. — Mais sur l’Esprit lui-même je ne puis rien. La religion (culture) m’a bien enseigné le moyen de devenir le « vainqueur du monde », mais elle ne m’a pas appris à vaincre Dieu, car Dieu « est l’Esprit ». Cet Esprit sur lequel je n’ai aucun pouvoir peut prendre les formes les plus diverses, il peut s’appeler Dieu ou s’appeler Esprit du peuple, État, Famille, Raison, ou encore Liberté, Humanité, Homme.

J’accepte avec reconnaissance ce que les siècles de culture m’ont acquis ; je ne veux rien rejeter ou abandonner : Je n’ai pas vécu en vain. Ils ont découvert que j’ai un pouvoir sur ma nature et que je ne suis pas forcé d’être l’esclave de mes appétits, et c’est là un résultat appréciable que je ne dois pas laisser se perdre. Ils ont découvert que je puis, grâce aux moyens que me fournit la culture, dompter le monde, et cette découverte fut achetée trop cher pour que je puisse l’oublier. Mais je veux plus encore.

On se demande ce que l’homme peut devenir, ce qu’il peut accomplir et quels biens il peut acquérir, et de celui de ces biens qu’on juge plus grand on me fait une vocation. Comme si tout m’était possible !

Lorsqu’on voit quelqu’un que consume un désir, une passion, etc. (par exemple, l’esprit de lucre, la jalousie. etc.). on se prend à souhaiter de le délivrer de cette obsession et de l’aider à « se vaincre ». Nous voulons faire de lui un homme ! Ce serait fort beau. si une autre possession ne prenait pas immédiatement, la place que vient de vider l’ancienne. Sitôt la cupidité exorcisée, on jette sa victime dans