Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/453

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

son hostilité contre Hegel et la philosophie de l’Absolu, plongé jusqu’au cou dans l’abstraction, car l’ « être » est une abstraction, juste comme le « moi ». Mais Moi qui suis, et Moi seul, je ne suis pas purement une abstraction, je suis tout dans tout et par conséquent je suis même abstraction et rien, je suis tout et rien. Je ne suis pas une simple pensée, mais je suis plein, entre autres choses, de pensées, je suis un monde de pensées. Hegel condamne tout ce qui m’est propre, mon avoir et mon — avis privés. La « pensée absolue » est celle qui perd de vue qu’elle n’est que ma pensée, que c’est Moi qui la pense et qu’elle n’existe que par Moi. En tant que je suis Moi je dévore ce qui est mien, j’en suis le maître ; la pensée n’est que mon opinion, opinion que je puis à tout moment changer, c’est-à-dire anéantir, faire rentrer en moi et consommer. Feuerbach veut démolir la « pensée absolue » de Hegel grâce à l’être invincible. Mais l’être ne trouve pas moins en Moi son vainqueur que la pensée : il est mon « je suis » comme elle est mon « je pense ».

Feuerbach, naturellement, n’aboutit qu’à démontrer cette thèse en soi triviale que j’ai besoin des sens ou que je ne puis pas me passer complètement de ces organes. Il est positif que je ne puis pas penser si je ne suis pas un être sensible ; seulement, pour la pensée comme, pour la sensation, pour l’abstrait comme pour le concret, j’ai avant tout besoin de Moi, et quand je dis moi, j’entends ce moi parfaitement déterminé que je suis, Moi l’unique. Si je n’étais pas un tel, si je n’étais pas Hegel, par exemple, je ne contemplerais pas le monde comme je le contemple, je n’y trouverais pas le système philosophique que, étant Hegel, j’y trouve, etc. J’aurais des sens comme le premier venu en a, mais je ne les emploierais pas comme je le fais.

Feuerbach reproche à Hegel d’abuser de la langue