Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/454

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en détournant une foule de mots de l’acception naturelle que leur attribue la conscience : lui-même commet pourtant la même faute lorsqu’il donne au mot « sensible » (sinnlich)un sens aussi éminent qu’inusité. C’est ainsi qu’il déclare (p. 69) que « le sensible n’est pas le profane l’irréfléchi, le patent, ce qui se saisit à première vue ». Mais si c’est le sacré, le réfléchi, le caché, si c’est ce qui ne se comprend qu’à force de réflexion, ce n’est plus ce qu’on appelle le sensible. Le sensible n’est que ce qui est pour les sens ; ce dont ceux-là seuls peuvent jouir qui jouissent par plus que les sens et qui dépassent la jouissance ou la conception sensible a tout au plus les sens pour intermédiaires et pour véhicules, c’est-à-dire que les sens sont la condition de son obtention, mais qu’il n’est plus rien de sensible. Le sensible, quel qu’il soit, cesse d’être sensible en pénétrant en moi, quoiqu’il y puisse de nouveau avoir des effets sensibles tels que, par exemple, d’exciter mes passions et de faire bouillir mon sang.

Feuerbach réhabilite les sens ; c’est fort bien mais il ne sait qu’affubler le matérialisme de sa « philosophie nouvelle » de la défroque qui était jusqu’à présent la propriété de la « philosophie de l’absolu ». Les gens ne se laisseront pas plus persuader qu’il suffit d’être sensible pour être tout, spirituel, intelligent, etc., qu’ils ne croient qu’on puisse vivre de « spirituel » seul, sans pain.

L’être ne justifie rien. Le pensé est aussi bien que le non-pensé la pierre dans la rue est, et ma représentation d’elle également ; la pierre et sa représentation occupent simplement des espaces différents, l’une étant dans l’air et 1’autre dans ma tête, en moi, car je suis espace comme la rue.

Les Membres d’une corporation ou Privilégiés ne tolèrent aucune liberté de penser, c’est-à-dire aucune pensée qui ne vient pas du « dispensateur de tout bien », que ce dispensateur s’appelle Dieu, le Pape, l’Église