Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/463

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bout et rangés en lignes, ces mots forment la logique, la science, la philosophie.

J’emploie les vérités et les mots pour penser et pour parler comme j’emploie les aliments pour manger ; sans elles et sans eux je ne puis ni penser, ni parler, ni manger. Les vérités sont les pensées des hommes traduites en mots, et c’est ce qui fait qu’elles n’ont pas moins d’existence que les autres choses, bien qu’elles n’existent que pour l’esprit ou le penser. Elles sont des productions des hommes et des créatures humaines ; si on fait des révélations divines, elles me deviennent étrangères et, quoique mes propres créatures, elles s’éloignent de moi aussitôt après l’acte de création.

L’homme chrétien est celui qui a foi dans la pensée, celui qui croit à la souveraineté des pensées et veut faire régner certaines pensées qu’il appelle « principes ». Beaucoup, il est vrai, font subir aux pensées une épreuve préalable et n’en élisent aucune pour maître sans critique ; mais ils rappellent par là le chien qui va flairer les gens pour sentir « son maître » : ils s’adressent toujours aux pensées régnantes. Le Chrétien peut indéfiniment réformer et bouleverser les idées qui dominent depuis des siècles, il peut même les détruire, mais ce sera toujours pour tendre vers un nouveau « principe » ou un nouveau maître ; toujours il érigera une plus haute ou plus « profonde vérité », toujours il fondera un culte, toujours il proclamera un Esprit appelé à la souveraineté et établira une loi pour tous.

Tant qu’il reste une seule vérité à laquelle l’homme doit vouer sa vie et ses forces parce qu’il est homme, il est asservi à une règle, à une domination, à une loi, etc. : il reste serf. L’Homme, l’Humanité, la Liberté sont des vérités de ce genre.

On peut dire au contraire : si tu veux continuer à t’occuper des pensées, il ne tient qu’à toi ; sache seulement que si tu veux y parvenir à quelque chose de