Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/466

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tout se divisera pour moi en deux classes, le divin et le diabolique, la nature entière sera faite à mes yeux de traces de Dieu ou de traces du Diable (de là les lieux-dits Gottesgabe, don de Dieu, Gottesberg, montagne de Dieu, Teufelskanzel, chaire du Diable, etc.), les hommes se partageront en fidèles et infidèles, etc. : si le critique croit à l’Homme, il commencera par tout ranger sous les deux rubriques Hommes et non-Hommes, etc.

La critique est jusqu’à présent restée une œuvre d’amour, car nous l’avons de tout temps exercée pour l’amour de l’un ou l’autre être. Toute critique officieuse est un produit de l’amour, une possession, et obéit au précepte du Nouveau Testament : « Éprouvez toute chose et retenez ce qui est bon . » Le « bon » est la pierre de touche, le critérium. Le bon, sous mille noms et mille formes différentes, est toujours resté l’hypothèse, le point d’appui dogmatique de la critique, l’idée fixe.

Le critique présuppose ingénument la « vérité » en se mettant à l’œuvre, et il la cherche, convaincu qu’elle est encore à trouver. Il veut découvrir la vérité, et il a justement pour éclairer ses recherches ce « bon » dont nous parlions tout à l’heure.

L’hypothèse, la supposition, n’est que le fait de poser une pensée, ou de penser une certaine chose sous et avant toute autre ; partant de ce pensé, on pensera ensuite tout le reste, c’est-à-dire qu’on l’y mesurera et le critiquera d’après lui. En d’autres termes, ceci revient à dire que le penser doit commencer avec quelque chose de déjà pensé. Si le penser commençait réellement, au lieu d’être commencé, le penser serait un sujet, une personne douée d’activité propre comme la plante déjà en est une ; dans ce cas, on ne pourrait évidemment pas nier que le penser doive commencer avec lui-