Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/47

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qui a créé ce monde que nous voyons », mais notre pensée n’allait pas plus loin, nous ne « scrutions » pas « les profondeurs mêmes de la Divinité ». Nous disions bien « ceci est vrai, ceci est la vérité », mais sans nous enquérir du Vrai en soi, de la Vérité en soi, sans nous demander si « Dieu est la vérité ». Peu nous importaient « les profondeurs de la Divinité, laquelle est la vérité ». Pilate ne s’arrête pas à des questions de pure logique (ou, en d’autres termes, de pure théologie) comme « Qu’est-ce que la vérité ? » et cependant, à l’occasion, il n’hésitera pas à distinguer « ce qu’il y a de vrai et ce qu’il y a de faux dans une affaire », c’est-à-dire si telle chose déterminée est vraie.

Toute pensée inséparable d’un objet n’est pas encore rien qu’une pensée, une pensée absolue.

Il n’y a pas pour le jeune homme de plus vif plaisir que de découvrir et de faire sienne la pensée pure ; la Vérité, la Liberté, l’Humanité, l’Homme, etc., ces astres brillants qui éclairent le monde des pensées, illuminent et exaltent les âmes juvéniles.

Mais, l’Esprit une fois reconnu comme l’essentiel, apparaît une différence : l’esprit peut être riche ou pauvre, et on s’efforce par conséquent de devenir riche en esprit : l’esprit veut s’étendre, fonder son royaume, royaume qui n’est pas de ce monde mais le dépasse ; aussi aspire-t-il à résumer en soi toute spiritualité. Tout esprit que je suis, je ne suis pas esprit parfait, et je dois commencer par rechercher cet esprit parfait.

Moi qui tout à l’heure m’étais découvert en me reconnaissant esprit, je me perds de nouveau, aussitôt que, pénétré de mon inanité, je m’humilie devant l’esprit parfait en reconnaissant qu’il n’est pas à moi et en moi, mais au delà de moi.

Tout dépend de l’Esprit ; mais tout esprit est-il « bon » ? L’esprit bon et vrai est l’idéal de l’esprit, le « Saint-Esprit ». Ce n’est ni le mien, ni le tien, c’est un esprit idéal, supérieur : c’est « Dieu ». « Dieu est