Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/480

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L’époque qui précéda le Christ et celle qui le suivit poursuivent des buts opposés ; la première voulut idéaliser le réel et la seconde veut réaliser l’idéal ; l’une chercha le « Saint-Esprit », l’autre cherche le « corps glorifié ». Aussi la première aboutit-elle à l’insensibilité à l’égard du réel, au « mépris du Monde », tandis que la seconde se clora par le renversement de l’idéal et le « mépris de l’Esprit ».

L’opposition du réel et de l’idéal est inconciliable, et l’un ne peut jamais devenir l’autre : si l’idéal devenait réel, il ne serait plus l’idéal, et si le réel devenait idéal, il serait l’idéal et ne serait plus le réel. La contradiction des deux termes ne peut être résolue que si on les anéantit tous deux ; c’est dans cet « on », ce tiers, qu’elle expire ; sinon, idéal et réalité ne se recouvrent jamais. L’idée ne peut être réalisée et rester idée, il faut qu’elle périsse comme idée ; et il en est de même du réel qui devient idéal.

Les Anciens nous représentent les partisans de l’idée, et les Modernes ceux de la réalité. Ni les uns ni les autres ne parvinrent à se dégager de cette opposition, et ils se bornèrent à soupirer vers leur but : les Anciens avaient aspiré à l’Esprit, et du jour où il parut que le désir du monde antique était satisfait et que cet Esprit