Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/64

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son envers l’amour « pur », « l’intérêt théorique ». Ne confondez pas en effet avec l’amour pur cette cordialité qui serre amicalement la main à chacun ; il en est précisément le contraire, il ne se livre en toute sincérité à personne, il n’est qu’une sympathie toute théorique, un intérêt qui s’attache à l’homme en tant qu’homme et non en tant que personne. La personne repousse cet amour, parce qu’elle est égoïste, qu’elle n’est pas l’Homme, l’idée à laquelle seule peut s’attacher l’intérêt théorique.

Les hommes comme vous et moi, ne fournissent à l’amour pur, à la pure théorie, qu’un sujet de critique, de raillerie et de radical mépris ; ils ne sont pour lui, comme pour les prêtres fanatiques, que de l’ « ordure » et pis encore.

Arrivés à ce premier sommet de l’amour désintéressé, nous devons nous apercevoir que cet Esprit auquel s’adresse l’amour exclusif du Chrétien n’est rien — ou est un leurre.

Ce qui, dans ce résumé, pourrait encore paraître obscur et n’être pas compris, s’éclaircira, nous l’espérons, par la suite. Acceptons l’héritage que nous ont légué les Anciens, et tâchons, ouvriers laborieux, d’en tirer — tout ce qu’on en peut tirer. La terre gît méprisée à nos pieds, loin en dessous de nous et de notre ciel ; ses bras puissants ne nous étreignent plus, nous avons oublié son souffle enivrant ; si séduisante qu’elle soit, elle ne peut égarer que nos sens ; notre esprit, et nous ne sommes en vérité rien qu’esprit, elle ne saurait le tromper. Une fois parvenu derrière les choses, l’Esprit est aussi au-dessus d’elles, il est délivré de leurs liens et plane, affranchi, librement dans l’au-delà. Ainsi parle la « liberté spirituelle ».

Pour l’esprit que de longs efforts ont dégagé et affranchi du monde, il ne reste plus, le monde et la matière déchus, que l’Esprit et le spirituel.

Toutefois, en devenant essentiellement différent et indépendant du monde, l’esprit n’a fait que s’en