Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

plus exactement à ton Esprit, car il est lui-même quelque chose de spirituel, un Esprit ; il est Esprit pour l’Esprit.

La notion de sainteté ne se laisse pas extirper aussi facilement que beaucoup semblent le croire, qui se refusent à employer encore ce mot « impropre ». À quelque point de vue qu’on se place pour m’accuser d’égoïsme, ce reproche sous-entend toujours que l’on a en vue quelque chose d’autre que moi, que je devrais servir de préférence à moi-même, que je devrais estimer plus important que tout le reste, bref, quelque chose en quoi je devrais chercher mon véritable salut, c’est-à-dire quelque chose de « saint », de « sacré ». Que ce sacro-saint soit d’ailleurs si humain que l’on voudra, qu’il soit l’Humain même, cela ne lui enlève rien de son caractère et fait tout au plus de ce sacré supra-terrestre un sacré terrestre, de ce sacré divin un sacré humain.

Rien n’est sacré que pour l’Égoïste qui ne se rend pas compte de son égoïsme, pour l’Égoïste involontaire. J’appelle ainsi celui qui, incapable de dépasser jamais les bornes de son moi, ne le tient cependant pas pour l’être suprême ; qui ne sert que lui en croyant servir un être supérieur, et qui, ne connaissant rien de supérieur à lui-même, rêve pourtant quelque chose de supérieur ; bref, c’est l’Égoïste qui voudrait n’être pas Égoïste, qui s’humilie et qui combat son égoïsme, mais qui ne s’humilie que « pour être élevé », c’est-à-dire pour satisfaire son égoïsme. Comme il voudrait cesser d’être égoïste, il interroge ciel et terre, en quête de quelque être supérieur auquel il puisse offrir ses services et ses sacrifices ; mais il a beau s’agiter et se mortifier, il ne le fait en définitive que par amour de lui-même, et l’Égoïsme, l’odieux égoïsme ne le lâche pas. Voilà pourquoi je l’appelle un égoïste involontaire. Tous ses soins, toutes ses peines pour s’affranchir de son moi ne sont qu’un effort mal compris pour affranchir son moi.