Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/82

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le véritable Esprit, le fantôme par excellence, est — l’Homme. L’esprit fait chair, c’est l’Homme ; il est lui-même l’effroyable essence, il en est à la fois l’apparence et l’existence. Depuis lors, l’homme ne s’épouvante plus devant les revenants qui sont hors de lui, mais devant lui-même ; il est pour lui-même un objet d’effroi. Au fond de sa poitrine habite l’Esprit de péché, la pensée la plus douce (et cette pensée est elle-même un Esprit) est peut-être un diable, etc.

Le fantôme a pris un corps, le Dieu s’est fait homme, mais l’homme est maintenant lui-même le terrifiant fantôme derrière lequel il s’efforce de pénétrer, qu’il cherche à exorciser, à comprendre et à exprimer ; l’homme est — Esprit. Que le corps se dessèche pourvu que l’esprit soit sauvé ; l’esprit est désormais l’unique souci, et le salut de l’esprit ou de l’ « âme » est le but unique. L’homme est lui-même devenu un revenant, un fantôme obscur et décevant, auquel une place déterminée est assignée dans le corps. (Discussions sur le siège de l’âme : est-elle dans la tête ? etc.)

Tu n’es pas pour moi un être supérieur, et je n’en suis point un pour toi. Il se peut toutefois que chacun de nous recèle un être supérieur, qui exige de nous un respect mutuel. Ainsi, pour prendre comme exemple ce qu’il y a en nous de plus général, en toi et en moi vit l’Homme. Si je ne voyais pas l’Homme en toi, qu’aurais-je à y respecter ? En vérité, tu n’es pas l’Homme, tu n’es pas sa vraie et adéquate figure, tu n’es que l’enveloppe périssable que l’Homme revêt pour quelques heures et dont il peut sortir sans cesser d’être lui-même. Cependant, cet être général et supérieur demeure pour le moment en toi ; aussi m’apparais-tu, toi dont un esprit immortel a revêtu la forme passagère, toi en qui un esprit se manifeste sans être lié à ton corps et à ce mode d’apparition, comme un fantôme.

Aussi ne te considéré-je point comme un être supérieur ; ce que je respecte en toi, ce n’est que l’être