Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/92

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sommes complètement et totalement possédés. Assurément, ils faisaient tort aux théologiens, auxquels ils enlevaient le monopole de l’illumination religieuse ; mais ils n’en élargissaient pas moins d’autant le domaine de la Religion et de la liberté spirituelle. En effet, si par Esprit vous n’entendez plus seulement le sentiment ou la foi, mais l’Esprit dans toutes ses manifestations, intelligence, raison et pensée en général, et si vous lui permettez en tant qu’intelligence, etc., de participer aux vérités spirituelles et célestes, en ce cas c’est l’Esprit tout entier qui s’élève à la pure spiritualité et qui est libre.

Partant de ces prémisses, la Moralité était autorisée à se mettre en opposition absolue avec la Piété. C’est cette opposition qui se fit jour révolutionnairement sous forme d’une haine brûlante contre tout ce qui ressemblait à un « commandement » (ordonnance, décret, etc.), et contre la personne honnie et persécutée du « maître absolu ». Elle s’affirma dans la suite comme doctrine et trouva d’abord sa formule dans le Libéralisme, dont la « bourgeoisie constitutionnelle » est la première expression historique, et qui éclipsa les puissances religieuses proprement dites (voir plus loin le « Libéralisme »).

La moralité ne dérivant plus simplement de la piété, mais ayant ses racines propres, le principe de la morale ne découle plus des commandements divins, mais des lois de la raison ; pour que ces commandements restent valables, il faut d’abord que leur valeur ait été contrôlée par la raison et qu’ils soient contresignés par elle. Les lois de la raison sont l’expression de l’homme lui-même, car l’ « Homme » est raisonnable, et l’ « essence de l’homme » implique ces lois de toute nécessité. Piété et moralité diffèrent en ce que la première reconnaît Dieu et la seconde l’Homme pour législateurs. En se mettant à un certain point de vue de la moralité, on raisonne à peu près comme suit : Ou bien l’homme obéit à sa sensualité