Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/119

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d’autre part, aucun homme inculte n’est absolument dépourvu de pensées.

L’homme arrivé au point extrême de son développement intellectuel, aspire ardemment vers les choses et nourrit une horreur profonde pour toute « théorie creuse ». C’est ce qui apparaît clairement chez Hegel. Il faut qu’à la pensée corresponde exactement la réalité, le monde des choses ; aucun concept sans réalité. Par suite le système d’Hegel a été qualifié d’objectif entre tous, comme si la pensée et l’objet y célébraient leur union. Mais en réalité ce ne fut que la tyrannie suprême de la pensée, sa domination unique, le triomphe de l’esprit et, avec lui, celui de la philosophie. Elle ne peut aller plus loin, son but ultime étant la suprématie, la toute puissance de l’esprit[1].

Les hommes religieux se sont mis en tête une chose qui doit être réalisée. Ils ont des conceptions de l’amour, de la bonté, etc. qu’ils voudraient voir effectivement existantes ; c’est pourquoi ils veulent fonder sur la terre un royaume de l’amour, où personne ne doit plus suivre son égoïsme, où chacun doit agir « par amour ». L’amour doit régner. Cette idée qu’ils se sont mise en tête peut-on l’appeler autrement qu’ « idée fixe » ? « Il y a dans leur tête des revenants » et le plus angoissant entre tous ces fantômes, c’est l’Homme. Qu’on se rappelle le proverbe : « Le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. » L’intention de réaliser entièrement en soi l’humanité, de devenir tout à fait homme appartient à cette espèce funeste, il y faut comprendre aussi

  1. Rousseau, les philanthropes et d’autres étaient hostiles à l’éducation et à l’intelligence, mais ils ne virent pas que celles-ci sont cachées au fond de tout chrétien et ils se bornèrent à faire campagne contre l’éducation savante et raffinée.