Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/184

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Le travailleur passe pour le plus matériel et le plus égoïste des hommes. Il ne fait absolument rien pour l’humanité, il ne travaille que pour lui-même, pour son bien-être.

La bourgeoisie ayant déclaré que l’homme n’était libre que par sa naissance, a dû, pour le reste, le laisser tomber aux griffes du monstre (l’égoïste). Par suite l’égoïsme sous le régime du libéralisme politique a un champ énorme à exploiter librement.

De même que le citoyen utilise l’État, ainsi le travailleur emploie la société pour ses buts égoïstes. « Égoïste tu n’as qu’un but, ton bien-être ! » Jette en reproche le libéral humain au socialiste. « Embrasse un intérêt purement humain et je suis avec toi ». Pour cela il faut une conscience plus forte, plus vaste qu’une conscience de travailleur. « Le travailleur ne fait rien, c’est pourquoi il n’a rien ; mais il ne fait rien parce que son travail reste constamment isolé, borné à ses propres besoins, parce qu’il est quotidien[1] ». On peut en contraste faire cette réflexion que le travail de Gutenberg n’est pas resté stérile, mais a créé une quantité innombrable d’enfants ; il avait en vue le besoin de l’humanité, voilà pourquoi il est éternel, impérissable.

La conscience du libéral humain méprise aussi bien la conscience du bourgeois que celle du travailleur. Car le bourgeois n’a de colère que pour les vagabonds (tous ceux qui n’ont pas « de profession déterminée »), et leur immoralité ; le travailleur s’emporte contre le paresseux (le fainéant) et ses principes « immoraux », parce qu’épuisants et antisociaux. Au contraire l’Humain répond : Si beau-

  1. Bruno Bauer Lit. Ztg. V 18.