Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/225

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Devons-nous abandonner la liberté parce qu’elle se trahit comme idéal chrétien. Non, il faut que rien ne se perde, pas même la liberté ; mais elle doit devenir notre chose propre et elle ne le peut sous forme de liberté.

Quelle différence entre liberté et propriété ! On peut être libre de bien des choses, on ne peut cependant être libre de tout. Intérieurement on peut être libre même dans la condition d’esclave, et là encore on peut être libre de diverses choses, mais non de tout car, en tant qu’esclave, on n’est pas libre du fouet ou des impérieuses fantaisies du maître. « La liberté n’existe que dans le royaume des rêves. » Au contraire, la propriété c’est tout mon être, c’est ce que je suis moi-même. Je suis libre de ce dont je suis affranchi, je suis propriétaire de ce que j’ai en mon pouvoir, des choses dont je suis maître. Je suis ma propriété en tout temps et en toute circonstance quand je m’entends à me posséder et ne me commets pas aux autres. Je ne peux vraiment vouloir l’état de liberté parce que je ne puis le faire, je ne puis le créer, je puis seulement le désirer et y tâcher — car il demeure un idéal, un fantôme. À tout instant les chaînes de la liberté me meurtrissent douloureusement le corps. Mais je reste mon être propre ; livré en esclavage à un maître, je ne pense qu’à moi et à mon avantage ; je reçois ses coups, il est vrai, je n’en suis pas libre, mais je les supporte uniquement dans mon intérêt, pour l’illusionner en quelque sorte par l’apparence de ma résignation et le rassurer, ou encore pour ne pas m’attirer par ma résistance quelque chose de pire. Mais comme j’ai toujours en vue moi et mon intérêt, je sais aux cheveux la première bonne occasion qui s’offre à moi de fouler aux