Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/250

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loin que puisse aller la tolérance d’un État elle cesse en face du non-homme, en face de l’inhumain. Et pourtant ce non-homme est un homme ; « l’inhumain » même contient quelque chose d’humain, possible seulement à un homme, impossible à une bête, quelque chose « d’humainement possible ». Mais bien que tout non-homme soit un homme, l’État l’exclut pourtant, c’est-à-dire l’enferme et fait d’un membre de l’État un prisonnier (sous le régime communiste, la prison devient maison de fous ou la maison de santé).

Il n’est guère difficile de dire en termes frustes ce qu’est un non-homme : c’est un homme qui ne correspond pas au concept de l’homme, de même que l’inhumain est de l’humain qui ne répond pas au concept de l’humain. La logique appelle cela un « jugement contradictoire ». Pourrait-on exprimer ce jugement qu’un homme peut être sans être homme, si on ne faisait pas valoir l’hypothèse que le concept d’homme peut être séparé de l’existence, l’être de l’apparence ? On dit : il a l’apparence de l’homme, mais ce n’est pas un homme.

Pendant de longues suites de siècles, on a porté ce « jugement contradictoire ». Bien plus encore, en ces temps il n’y eut que des non-hommes. Quel individu aurait correspondu au concept ? Le christianisme ne connaît qu’un homme et cet homme unique — Christ — est en même temps au sens inverse du mot un non-homme, c’est-à-dire un surhomme, un Dieu. L’homme réel n’est que le non-homme.

— Des hommes qui ne sont pas des hommes qu’est-ce sinon des fantômes ? Tout homme réel, parce qu’il ne correspond pas au concept « homme », ou parce qu’il n’est pas l’« homme-espèce » est un fantôme. Mais