Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/252

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gens sans distinction de race ou de nationalité : Juifs, Turcs, Maures, etc., peuvent devenir citoyens Français. L’État avant de vous accueillir demande seulement si vous êtes hommes. L’Église qui était une société de croyants ne pouvait accueillir tous les hommes dans son sein ; l’État société d’hommes le peut. Mais quand l’État suit au pied de la lettre son principe de ne pas imposer aux siens d’autre condition que d’être homme (jusqu’ici les Américains du Nord eux-mêmes ont exigé encore que chacun de leurs concitoyens eût une religion, du moins la religion de la probité, de l’honnêteté), il creuse sa tombe. Tandis qu’il s’imagine posséder dans ses citoyens des hommes véritables, ceux-ci sont devenus, dans l’intervalle, de purs égoïstes et chacun d’eux l’exploite suivant ses forces et au mieux de ses intérêts égoïstes. Par les égoïstes la « société humaine » va à sa ruine, car ils ne se comportent plus comme des hommes entre eux : chacun d’eux s’avance égoïstement comme un moi contre d’autres moi absolument différents et antagonistes de son moi.

Dire que l’État doit compter sur notre humanité revient à dire qu’il doit compter sur notre moralité. Voir dans autrui l’homme et le traiter comme homme s’appelle agir moralement. C’est absolument ce qu’on appelle « l’amour spirituel » du christianisme. Si en toi et en moi je ne vois que l’homme et rien que l’homme, j’ai souci de toi comme j’aurais souci de moi, car nous ne représentons tous deux que la proposition mathématique. A = C et B = C conséquemment A = B, c’est-à-dire que toi et moi ne sommes rien autre chose qu’hommes et par suite que toi et moi sommes la même chose. La morale ne peut s’entendre avec l’égoïsme parce que ce n’est pas moi, mais seulement