Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/278

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pas à craindre la méchanceté et peut se montrer un peu plus « tolérant ». La susceptibilité exagérée est certes une faiblesse, il est peut-être très méritoire de l’éviter ; seulement, en temps de guerre, on ne peut être modéré et ce qui est permis aux époques calmes, cesse de l’être aussitôt que l’état de siège est déclaré. Les libéraux bien pensants qui sentent cela parfaitement s’empressent de déclarer qu’en raison de la « fidélité du peuple » il n’y a aucun danger à craindre. Mais le gouvernement est plus prudent et ne se laisse pas ainsi persuader. Il sait trop bien comme on vous donne en pâture de belles paroles et ne se contente pas de cette viande creuse.

Mais on veut une place pour s’ébattre, on est encore enfant et on ne peut pas être aussi posé qu’un vieillard. Jeunesse n’a pas de vertu.

C’est seulement sur l’emplacement de ces jeux, sur ces quelques heures d’ébats joyeux que l’on discute. On demande seulement que l’État ne soit pas un papa grognon, il devra permettre quelques fêtes de l’Âne et du Fou, comme fit l’Église au Moyen-Âge. Mais les temps sont passés où il pouvait faire cela sans danger. Maintenant les enfants qui goûtent une fois la liberté et qui vivent une heure sans recevoir le fouet ne veulent plus retourner en cellule. Car la liberté n’est plus maintenant pour eux le complément de la cellule, ce n’est plus une échappée momentanée de la prison ; mais c’est son contraire, un aut… aut : ou bien l’État ne doit plus rien supporter, ou il doit tout subir et aller à sa ruine ; ou bien il doit être sensible à l’extrême, ou bien insensible comme un mort. C’en est fait de la tolérance. Si on lui présente le doigt, elle happe la main tout entière. Il n’y a plus à « plaisanter » ; plaisanterie, caprice, humour, etc., tout se transforme en un sérieux amer.