Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/298

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que le peuple athénien créa l’ostracisme, bannit les athées et fit mourir par la ciguë le plus pur des penseurs.

A-t-on assez loué Socrate pour sa conscience qui le fit résister à ceux qui lui conseillaient de s’évader de sa prison. Ce fut folie de sa part d’avoir reconnu aux Athéniens le droit de le condamner. C’est pourquoi il eut son droit. Mais aussi, pourquoi être resté sur le même terrain que les Athéniens ? Pourquoi n’avoir pas rompu avec eux ? S’il avait su et pu savoir ce qu’il était, il n’eût reconnu à de tels juges aucune de leurs prétentions, aucun droit. En ne fuyant pas, il montra sa faiblesse, il montra qu’il conservait encore l’illusion d’avoir encore avec les Athéniens quelque chose de commun, et qu’il ne croyait pas être autre chose qu’un citoyen de ce peuple. Mais il était bien plutôt ce peuple même en personne et lui seul pouvait être son propre juge. Il n’y avait aucun juge au-dessus de lui ; il avait d’ailleurs porté ouvertement un jugement sur lui-même et s’était déclaré digne du Prytanée. C’est à cela qu’il devait s’en tenir et n’ayant porté contre lui-même aucune condamnation, il devait mépriser celle des Athéniens et s’enfuir. Mais il se soumit et reconnut dans le peuple son juge et se crut infime devant la majesté du peuple. En se soumettant à la force, sous laquelle il ne pouvait que succomber, comme à un droit, il fut traître à lui-même : ce fut de la vertu. Christ qui, paraît-il, s’abstint de mettre en mouvement ses légions célestes, encourt, du fait de ses narrateurs, la même critique. Luther agit très bien et très sagement en se faisant donner par écrit ses sûretés pour son voyage à Worms, et Socrate aurait dû savoir que les Athéniens étaient ses ennemis et lui seul son juge. L’illusion qu’il