Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/322

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suis le mien. Imagine-toi qu’on veuille te persuader que tu n’es pas ton moi, mais que c’est Hans et Kunz qui sont ton moi ! Ainsi en est-il du peuple, et pour lui la chose est juste. Car un peuple a aussi peu un moi que les onze planètes comptées ensemble n’ont un moi, bien qu’elles tournent ensemble autour d’un point commun.

Les paroles de Bailly sont caractéristiques des sentiments d’esclaves que l’on a pour le peuple souverain, comme pour le prince. « Je n’ai plus de raison particulière quand la raison générale s’est exprimée. Ma loi première a été la volonté de la nation : aussitôt qu’elle se fut rassemblée, je n’ai plus rien connu que sa volonté souveraine. » Il ne veut pas avoir de raison particulière et cependant c’est elle seule qui fait tout. Même zèle chez Mirabeau : « Aucune puissance de la terre n’a le droit de dire aux représentants de la nation : Je veux ! »

Comme du temps des Grecs on voudrait faire aujourd’hui de l’homme un zoon politicon, un citoyen de l’État, un homme politique, de même qu’il fut longtemps « citoyen du ciel ». Mais, au contraire d’eux, nous ne voulons pas disparaître dans le peuple, la nation, la nationalité, nous ne voulons pas être seulement des hommes politiques ou des politiciens. Depuis la Révolution, on tend au « bonheur du peuple » et en faisant le peuple heureux, grand, etc., on nous fait malheureux ! Le bonheur du peuple est mon malheur.

Le livre de Nauwerk « sur la participation à l’État » nous montre encore quel vide et quel emphatique verbiage fait le fond de la doctrine des libéraux politiques. Nauwerk gémit sur les indifférents et les abstentionnistes, qui ne sont pas au plein sens du mot des citoyens