Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/350

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qui ne connaît et ne peut distribuer que la propriété de l’État. C’est pourquoi il lie la possession de la propriété à la réalisation de certaines conditions ; il fait de même pour toutes choses, pour le mariage, par exemple, car il ne laisse subsister que le mariage sanctionné par lui et l’arrache à mon pouvoir. Mais la propriété n’est ma propriété que si je la possède sans condition : moi seul, pris comme moi inconditionné, j’ai une propriété, je noue une liaison amoureuse ou j’exerce librement un commerce.

L’État ne se préoccupe pas de moi et de ce qui est mien, mais de soi et de ce qui est sien. Pour lui je suis comme son enfant, quelque chose comme « l’enfant du pays » ; en tant que moi, je ne suis absolument rien pour lui. Ce qui m’arrive, à moi en tant que moi, est pour l’intelligence de l’État quelque chose de contingent, ma richesse comme ma misère. Mais si je suis avant tout ce qui est mien, un hasard pour l’État, cela prouve qu’il ne peut pas me comprendre. Je passe sa conception, et son intelligence est trop restreinte pour me saisir. C’est pourquoi il ne peut rien faire pour moi.

Le paupérisme est l’absence de valeur du moi, la manifestation évidente de mon impuissance à me réaliser. C’est pourquoi l’État et le paupérisme sont une seule et même chose ; l’État ne me laisse pas parvenir à ma valeur et ne subsiste que par ma non-valeur : il cherche en tout temps à tirer profit de moi, c’est-à-dire à m’exploiter, me dépouiller, à user de moi, quand bien même cet usage ne consisterait qu’à m’employer à reproduire (proles, prolétariat) ; il veut que je sois « sa créature » .

C’est seulement quand je me réalise comme moi,