Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/395

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domine tous les rapports des hommes. À la base de tous nos actes, de tous nos pensers, de tous nos vouloirs, il doit y avoir l’amour. Ainsi nous pouvons juger, mais « avec amour ». On peut critiquer même profondément la Bible, mais le critique doit avant tout l’aimer, et voir en elle le Livre saint. Cela signifie-t-il autre chose que ceci : on ne peut la critiquer à mort, on doit la laisser subsister comme une chose sacrée, indestructible. — De même dans notre critique de l’homme, l’amour doit demeurer invariablement le ton fondamental. — Certes les jugements que nous inspire la haine ne sont pas du tout nos propres jugements, ce sont des « jugements haineux » qui ont leur origine dans la haine qui nous domine. Mais les jugements que nous inspire l’amour sont-ils plus pour cela nos propres jugements ? Ce sont des jugements « affectueux, indulgents » nés de l’amour qui nous domine, ce ne sont pas nos propres jugements et par conséquent ce ne sont pas des jugements réels. Celui qui est enflammé de l’amour de la justice nous crie, fiat justicia pereat mundus. Il peut bien demander et rechercher ce que la justice est en elle-même ou ce qu’elle exige, ou en quoi elle consiste, mais non si elle existe.

Il est très vrai que « celui qui reste dans l’amour, reste en Dieu et dieu en lui » (Saint-Jean) ; Dieu reste en lui, et lui ne s’affranchit pas de Dieu, il ne devient pas impie, il reste en Dieu, et ne parvient pas à soi-même et dans sa propre patrie, il reste dans l’amour envers Dieu, et ne se dégage pas de l’amour.

« Dieu c’est l’amour ! Tous les temps et toutes les races reconnaissent dans cette parole le point central du christianisme ! » Dieu qui est l’amour est un Dieu importun ; il ne peut pas laisser le monde en repos, mais