Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/409

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Ceux qui nous élèvent ont à cœur de nous déshabituer de bonne heure du mensonge et de nous inculquer ce principe qu’on doit toujours dire la vérité. Si on donnait à cette règle l’intérêt pour base, chacun comprendrait facilement qu’en mentant il perd par sa faute la confiance qu’il veut éveiller chez les autres, et il sentirait toute la justesse de cette maxime : on ne croit plus celui qui a menti une fois, quand même il dirait la vérité ! Qu’un espion traverse, déguisé, le camp ennemi, et qu’on lui demande qui il est, ses interrogateurs ont certes le droit de s’enquérir de son nom, mais lui ne leur donne pas le droit d’apprendre la vérité : il leur dit ce qu’il peut, sauf ce qui est vrai. Et pourtant la morale ordonne : « Tu ne dois pas mentir ». Par la morale, ceux-là sont autorisés à apprendre la vérité, mais non par moi, et je leur reconnais seulement le droit que je leur confère. La police fait irruption dans une réunion de révolutionnaires et demande à l’orateur son nom ; chacun sait que la police en a le droit, mais elle ne l’a pas aux yeux du révolutionnaire qui est son ennemi : il lui donne un faux nom et lui ment. Aussi la police n’est-elle pas assez bête pour compter sur l’amour de ses ennemis pour la vérité ; au contraire, à priori, elle ne les croit pas et s’assure, quand elle peut, de l’identité de l’individu qu’elle questionne. L’État lui-même se montre partout incrédule à l’égard des individus, parce qu’il reconnaît dans leur égoïsme son ennemi naturel : il demande à chacun « ses papiers » et celui qui ne peut les produire tombe sous le coup de son inquisition soupçonneuse. L’État n’a aucune foi, aucune confiance dans l’individu et suppose toujours que chez lui le mensonge est la règle ; il ne me croit que lorsqu’il s’est convaincu de la véracité de